dimanche 8 mars 2009

Les Forges - Episode 1: Obéron

Les Forges (saison 1)


Episode 1 - Obéron

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S’il fallait citer un lieu appelé à jouer un rôle fondateur dans l’architecture du monde en ce mois de juin 1992, nul n’avancerait Mézel, gros bourg de Provence assoupi sur les berges de l’Asse… L’Organisation des Nations Unies n’y tient aucun sommet de la « Planète Terre » comme à Rio de Janeiro, où s’ébauche la notion contestée de responsabilité environnementale ; le président Américain George Bush n’y rencontre pas son homologue Russe, Boris
Ieltsine, lui préférant Washington pour préparer la réduction collatérale des armements nucléaires. Rien d’important ne s’y passe, en somme.
Si ce n’est cette légère secousse qui a dévalé les flancs du Mont Cousson en fin de matinée avant de mourir aux platanes frémissants de la Grand Rue, rien ne semble vouloir troubler la sieste des habitués du Comptoir de la Fontaine ; même le vent de la veille a fini de battre les façades chaudes et la mouss
e sur les tuiles romaines.
Mézel a tant donné aux tremblements de l’Histoire, entre guerres et invasions, lèpres et incendies, qu’elle s’en est définitivement extraite ; sourde aux clameurs télévisuelles, hors du vacarme des autoroutes, loin des cris de Dubrovnik et d’ailleurs.

Rien d’important ne s’y passe hormis l’arrivée soudaine de tout un escadron de gendarmerie qui secoue le bourg et le tire de sa torpeur. Plus d’une centaine de militaires vêt
us de bleu sombre battent de leur rangers souples rues et ruelles, inspectent cours et terrasses, remontent chemins et sentiers jusqu’à la chapelle dans les hauteurs, tandis qu’au dessus d’eux un hélicoptère dessine de grands arcs.
Ce n’est pas tant le bruit que la minutie de cette opération qui saisit les habitants et les touristes. Aucun cri, aucune précipitation. Les hommes chuchotent dans leurs radios et fendent l’air d’un langage gestuel précis. Vous, à droite ; nous, à gauche. Halte. En position. Mézel est auscultée, poliment et méticuleusement. Presque solennellement.
La scène est irréelle. Les quelques villageois aux fenêtres pourraient même douter de son authenticité alors que surgit d’un fourgon garé le long la fontaine une unité d’une dizaine d’hommes, les bras lourds d’écrans et d’antennes.
« Il est ici ! » affirme celui qui porte une sorte de grosse radio noire et allongée. Comme pour appuyer ses mots, il balaye devant lui son étrange instrument avant de l’arrêter net en direction du lavoir. Il hoche la tête avec assurance. De la ligne de gendarmes sur le côté émerge celui qui semble diriger la battue. Il confie son arme et sa casquette puis s’avance seul vers le bassin couvert. A quelques mètres des piliers sculptés, il sort d’une des poches de son pantalon un sachet de confiserie, l’ouvre et en extrait une fraise de guimauve. La tenant au creux de sa paume, il faut deux au
tres pas :
« Obéron… Allez, sort de là, Obéron… »
Il a à peine pronon
ces mots qu’une créature hirsute de la taille d’un jeune enfant surgit des lavandes à sa droite pour s’emparer sans ménagement du sachet. Puis, la gueule pleine de dragées roses, il se tourne vers l’homme en se frappant l’épaule.
« Vacherie de singe, il se moque de moi. » ce dernier lâche-t-il. « Dites à Ru que nous avons Obéron… »
Il tient la dernière fraise entre deux doigts, la montre au singe qui hausse les sourcils et la mange en marmonnant.
« C’est toujours celle-là que tu n’auras pas ! Il faudrait vraiment qu’ils arrêtent de semer leur vacherie de singes partou-- »
La bouche ouverte, laissant apparaitre le bonbon à demi mâché, l’homme se fige. Le singe qui s’est réfugié dans les
bras d’un jeune gendarme agite ses grandes mains en sa direction comme pour réclamer la friandise volée. Sa main gauche parait blessée.
« Attendez ! »

Un coup d’œil rapide lui permet de comprendre que l’éraflure n’est pas accidentelle. Elle est régulière. Le singe a le creux de la paume coupé de plusieurs entailles superficielles qui forment des lettres. Trois lettres.

SOS

« Vacherie… »


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( la suite au prochain épisode )


Chers lecteurs, soyez indulgents avec ma prose et respectueux de mes droits. Merci.


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